C'était pendant la guerre Qu’il me disait grand-père, Certains refusent de croire A cette terrible histoire. C’était pendant la guerre Qu’il me disait grand-père, Son devoir de mémoire C’est sa petite histoire. Dans la classe, au collège, Il ne regardait qu’elle, S’agitait sur son siège Pour admirer sa belle. De ses longues tresses brunes Se faisait des moustaches, Sans qu’elle lui tienne rancune De ses blagues de potache. Et dans un coin de cour, Ils rêvèrent de construire Un petit nid d’amour Impossible à détruire. Il posa sur ses lèvres Un chaste et doux baiser, Il n’était pas orfèvre Mais sut improviser. C’était le temps du rire, Des douceurs et caresses, D’envol dans l’avenir Rêvé plein de promesses. Ce temps de l’insouciante Marguerite effeuillée, De cette envie grisante Que l’on n’ose consommer. Mais à cause d’une étoile Elle prit un dernier train Pour un destin fatal Cruel et inhumain. Et les longues tresses brunes Disparurent à jamais Dans la fosse commune Des larmes et des regrets. Elle était de ton âge, Qu’il disait tristement, Je revois son visage Et ses emportements. Elle dessinait un monde Loin de toutes cruautés, Où le bonheur innonde Toute la société. Mais l’homme est ainsi fait Qu’il ignore son histoire, Les plus sombres méfaits Sont détails, c’est notoire. Combien de tresses brunes A verser en obole Pour combler les lacunes D’un triste et vieux guignol.