Vos
poèmes

Poésie Française : 1 er site français de poésie

Vos<br>poemes
Offrir
ce poème

jean pierre lesieur

mes origines

On nait toujours d’un doute.
D’une embuscade en coup de fusil au coin d’un lit
Alors que la radio des autres hurle au quartier tranquille perforant le silence tapi aux réverbères.
Sous le regard horrifié des antennes du monde prêtes à rendre compte.
On nait toujours d’un doute.
Sur une marche d’église où la pluie saute moutonne avec la barbe du sacristain.
Dans la fièvre mal payée des accouchements par ordinateur
Dans un taxi.
Dont le chauffeur obèse se retourne à chaque mètre l’œil sur ses coussins parlant de prise en charge, de mauvaise reprise et de licenciement abusif.
Sous les mains inexpertes d’une matrone aux aisselles poilues comme celles d’un Satan.
On nait toujours d’un doute
Sans marraine miracle pour créer l’atmosphère d’un avenir à percer.
Heureux et sans soucis.
A l’hôpital des pauvres parce que la neige est tombée bien plus tôt que prévu.
Dans un commissariat
Dans la pèlerine encore chaude des coups d’une manifestation avortée.
Dans un escalier entre le quatrième et le cinquième avec pour toujours la trouille des ascenseurs.
On nait toujours d’un doute
Sur le paillasson beige de l’ultime concierge en forme de cordon qu’il faudra bien couper.
Dans un passage obscur où se règlent les comptes quand ils deviennent trop lourds.
A l’armée du salut coincé entre deux cordes pour toute vie vécue.
Sur une barricade comme une petite fleur aux pétales mitraillés.
Prématurément
Une vie en trop
trois siècles en retard
et toujours avant terme.
En couveuse pour grossir.
Les deux pieds dans le vide et la tête fétale trop près des blancs bonnets.
Les yeux sur les orbites des rails pour regarder plus loin que l’âge des sémaphores.
On naît toujours d’un doute.
Dans la sauvette rance des tulipes de Hollande en panne d’effusion.
A la barbe des musettes aux casse-croûte gargantuesques.
Au milieu maléfique de mille marécages qui se referment ensemble autour de votre cou
Dans la lunette d’un carcan.
Sur des chemins de halage rompus à tous les traquenards des berges.
Au milieu des hommes
Pas très loin d’une étoile.
On naît toujours d’un doute.