Ils ne sont pas méchants, ils ont le cœur éteint Ils sont si fatigués Las de se côtoyer et de ne pas se voir Dans le petit matin
Ils ont les yeux fermés, les paupières ouvertes Ils ont la bouche close Le regard dans le vide au-delà de la foule Dans le métro bondé
Joue, guitare ou violon Chante dans les couloirs Crin-crin dans les wagons Dans le petit jour noir Viens chanter les refrains des îles cocotiers Le Brésil à Pantin, Tahiti à nos pieds
Et les lèvres soudées sur des jurons rentrés Leurs grimaces s'installent Oreilles verrouillées, cœurs à peine battants A la correspondance
La montre les gouverne et le quotidien règne Despote sans recours Regarde-les courir au rendez-vous de rien Dont ils attendent tout
Passe dans les travées Où s'entractent leurs courses Tends leur le chapeau trou‚ Pour délier leur bourse Ne leur tiens pas rigueur s'ils demeurent de marbre Le souvenir les rive où poussent fleurs et arbres
Ils ne sont pas méchants, ils ont l'âme engourdie Ils sont figés de nuit Et de parcours semblable ils peuplent leurs éveils Jusqu'au désintérêt
Car s'ils restent au cœur de rêves improbables Bouclés dans leurs cuirasses C'est qu'ils protègent fort le si peu qu'il leur reste Leur personnalité
Joue, guitare ou violon Tes refrains inconnus Pour ces fantômes nus Spectres au front de plomb Ils ont appris la mort et ils font les mourants Mais au fond de leurs corps, ils sont toujours vivants