Qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse Au diable les canons, les règles, les corsets Table rase des lois, oublions ce qu'on sait Pour garder éternelle une fraîche jeunesse
On se prive du fond à muser sur la forme On s'éloigne de l'âme à travailler le corps La pureté du chant souffre de trop d'efforts Et la sincérité s'étiole dans les normes
Laissons aller la main sur une page blanche Ne manipulons rien dont elle ait accouché Et pour de vains progrès, n'allons pas tout gâcher Le brouillon seul convient à l'âme qui s'épanche
Ils sont cent, ils sont mille à chanter les louanges De revues en recueils, de la facilité Sous le mauvais couvert de spontanéité Soucieux de gratter là où ça les démange
Assurément, il faut plus que des coupes vides C'est pourquoi les brisa le poète lassé Mais servir la boisson dans un verre cassé C'est faire à fond perdu comme les Danaïdes
Le buveur interdit persévère, incurable Sa soif le tient rivé à son banc, cependant Qu'on jette sous son nez les liqueurs à tous vents Et le nectar des dieux disparaît sous la table
Qu'importe où est le vin pourvu que l'on en verse Certes. Mais le gourmet éclairé le sait bien : L'absence de flacon ne fait pas le bon vin Le cristal ne nuit pas au grand cru, c'est l'inverse.