Le temps manque à mon existence : A peine poussé dans la danse, Mais jusqu'au bout plein d'espérance, J'aurai risqué un simple pas. Et dans mes minuscules rondes, Je n'aurai parcouru du monde, En une poignée de secondes, Que la piste où je me débats.
De ce que la nature exhibe, J'aurai interprété des bribes, Perçu quelques notes de scribes, Deviné deux ou trois parfums. Dans l'infinité des bluettes, Coincé entre l'ange et la bête, Avide mais analphabète, J'aurai chanté un seul refrain.
Il me manque la foi qui sauve Ou la cruauté des grands fauves Ou le calme des aubes mauves Ou l'ultime détachement, Pour que mes yeux crevés discernent Le joyau dans le matin terne, Le feu des aveugles cavernes Enchâssé dans mon firmament.
J'ouvre pourtant gueule béante, J'offre âme vide et pantelante, J'immole aux flammes vie puante Pour un signe, un seul, brusquement, Qui viendrait la présence dire Partout dans l'insondable empire, Un souffle infime qui soupire : "Je suis là. Je te donne. Prends !"