Ils se sont découverts libres de l’égoïsme Qu’on leur avait appris comme grande vertu Blason et porte voix de l’individualisme étonnés de se voir proches bien qu’inconnus
Ils se sont rencontrés au hasard de leurs drames Tout petits qu’ils étaient devant le monde grand Misérables cirons promis à l’eau, aux flammes, Ballottés à jamais sur l’immense océan
Ils se sont regardés de leurs yeux de cavales Fous d’horreur et de peur, reclus de désespoir, Rôtis par les volcans aux laves infernales Gelés par les glaciers, noyés par les flots noirs
Sur ce petit caillou roulant dans les espaces Ils se sont reconnus comme frères de sang Ils se sont regardés comme de même race êtres marchant debout et animaux pensants
Ils se sont pris la main au-delà des distances L’un s’agrippant à l’autre et l’autre tenant l’un Unis par leur faiblesse et par leur impuissance Ils se sont enchaînés sur le même chemin
Depuis l’aube des temps que les malheurs les brisent Ils ne se sont jamais perdus de vue. Pourtant L’autre est leur ennemi, et dans bien trop d’églises Ne manquent pas les voix qui vont le leur prêchant
Charité ordonnée commence par soi-même Voilà ce qu’on voudrait qu’ils fassent en premier Mais les hommes ont su se démontrer qu’ils s’aiment Et savent parfois mieux s’aider que s’exécrer