Nous serons pour toi le brin d'herbe Patrie aimée que cieux harassent, Le sol natal, le blé superbe Qui pousse un peu son temps qui passe. Nous serons le lac et la plainte Ainsi qu'un chemin qui voudra, Garder une aube neuve et sainte Des journées que l'hiver grava. Nous serons la moisson, le fleuve Le marbre qui reste et se fait, L'écho des voix qu'un ciel abreuve D'automnes et d'ivres clartés. Nous serons aussi feuilles mortes Et forêts chantées par Verlaine, Lorsque l'été passera portes Rangé des colères anciennes. Nous serons l'eau qui bout, le lit Noir, mais aussi la boue sacrée, Que le hasard nous soit cieux, y Soufflant le courant désiré. Et nous serons les forces vives L'eau qui bouillonne ; un sillon noir, D'où le reveur prenant dérive Ira guerroyer jusqu'au soir. Nous serons la mer qui va sombre La vallée où gît le tombeau, De quelqu'ancêtre et de quelqu'ombre Dont notre sol fit le berceau. Toujours seront hier et jadis Les vents qui sur les prés amers, Comptaient le poids du sacrifice De ceux qui vinrent et passèrent. Nous serons le labeur encore Le doux repos qu'on ensemaille, De gloires, de feux, de batailles De la nation ; l'âme et le corps.