Il faisait long, il faisait noir. Les mots semblaient un infini. Shakespeare était à l’isoloir. Songe d’une soirée d’ennui ! Il faisait lourd, c’était le soir. Le jeu disait : monotonie. Qui aime qui, dans cette histoire ? Shakespeare était à l’agonie. C’était si lent, c’était trop long En gestes courts, les voix mouraient Dans un décor sans illusion Shakespeare parlait à l’imparfait Et puis soudain, Côté jardin, Une tempête bleue en petit bout de femme Traverse la scène qui tout à coup s’enflamme. On la voit, on sourit, c’est le clown éternel Shakespeare reprend vie ! Oh que la pièce est belle ! Elle inonde le temps d’une force inconnue, Indomptable ouragan, elle nous porte aux nues. Son regard est plus vif que tous les projecteurs. Elle ne joue pas, elle vit ce que lui dit son cœur. L’artisan est magique, il prend toute la salle Et l’emmène avec lui au milieu de son bal Ce Lecoin est brillant comme un soleil rêvé, Une lune cornue dans une nuit d’été Elle vole, elle plane, elle frôle les cintres Comme sur une toile, un pinceau de ces peintres Éclaire par touches les grisailles d’automne, Artisan du plaisir qu’elle seule nous donne. Regarde-la, Shakespeare, elle sert à merveille Tes mots et ton esprit, ta force et ta magie Quand l’âme de la salle à sa venue s’éveille, On voit s’unir enfin deux êtres de génie.