Tu diras au Prince que je m'en suis allé Sur la route incertaine où ne fuit pas le temps. Je ne sais si un jour tu pourras m'oublier. Tu diras au Prince que je m'en vais, Maman.
Je vivrai dans les bois, loin des foules humaines, Me faisant un abri des branches d'un sapin. Je prendrai des chemins, ne sachant où ils mènent. La rosée me fera des beaux draps de satin.
J'écouterai le soir les histoires du vent Qu'on n'a su qu'oublier à force de pleurer. Et, gardien de la nuit aux astres scintillants, Je suivrai pas à pas l'étoile du Berger.
Quand, au bout de la nuit, j'entendrai les tambours Et le bruit des sabots des chevaux de la guerre, Quand, au bord de la vie, se feront bien plus sourds La plainte du soldat et les pleurs de sa mère,
Je chanterai la vie, j'accuserai les dieux, Je haïrai le roi, les curés et les riches Et, au fond de l’oubli, je fermerai les yeux Pour rejoindre Papa qui est mort en Autriche
Pour un fou, pour un rien, pour un morceau de terre, Pour une idée débile, un rêve de puissance. Je ne crains pas la mort mais j'ai peur de la guerre Et s'il me faut mourir, que ce soit en silence.
Tu diras au Prince que je m'en suis allé Sur la route incertaine où ne fuit pas le temps. Je ne sais si un jour tu pourras m'oublier. Tu diras au Prince que je m'en vais, Maman.