Dans un jardin d'arbres et de haies ; Dans le coin le plus retiré des allées venues, Existait un banc de pierre moussue Aux pieds rongés par les herbes et les ronces. Dans l'enclave verte des arbres, Juste à coté du vieux bancs Existait aussi un rocher plat Où j'aimais à venir m'allonger. Et je venais souvent me recueillir, Parmi l'esprit odorant des arbres du parc, Lorsque ma mère promenait mon jeune frère Dans les allées blanches du beau jardin.
Un jour ou j'étais seul dans l'endroit, Je vis tout à coup, assis sur le banc, Un enfant que je n'avais pas vu venir. Il était frais et beau, semblable à un ange. Il ne bougeait ni ne me voyait. Ses yeux bleus Etaient fixés sur le sentier conduisant à notre refuge. Une silhouette s'avançait dans la lumière blanche du soleil Elle déboucha dans l'ombre fraîche des branches Et s'assit sur le banc où l'enfant n'était plus. Des larmes coulaient de ses yeux d'adolescents, Elles roulaient sur sa joue ronde Jusqu'à sa moustache d'homme mûr Qui venait de naître. Les petites gouttes salées continuaient ensuite Leurs routes jusqu'au bout du menton pointu D'où elles tombaient sur une main bien faîte. La paume ouverte recevait ce nectar des yeux Cependant que celui-ci se raréfiait. Une barbe de plus en plus longue Ralentissait le flot des larmes Que recueillait à présent une main De vieillard aux veines saillantes et bleues. D'épais sourcils et de profondes rides Entouraient maintenant les yeux du vieux visage Où brillait le même feu, aussi jeune et aussi pur, Qui scintillait dans ceux de l'enfant. Sans doute un même esprit les allumaient. Bientôt ceux-ci s'éteignirent Et il ne resta plus qu'un cadavre sur le banc. Il se décomposa rapidement, Et le vent dispersa la poussière De ce qui fut l'enfant.
J'ai longtemps pleuré, Seul, sur mon rocher ; Jusqu'à ce que le froid de la pierre Qui pressent le soir M'ai glacé le sang Au plus profond de mon être. Alors je suis parti, Me promettant de ne jamais oublier Qu'un jour peut-être, moi aussi, Je viendrais déposer mon existence, Loin de tous, au creux de ce banc.