Pro Domo, ou l’exilé
Hideuse pauvreté, lumière de l’immonde,
Est plus belle à mes yeux que la blanche colombe,
Qui s’étant transformée en félin sanguinaire
A été accusée: pour crime de misère…
Ne laissant derrière eux que traces indélébiles,
D’un passage trop long de dirigeants débiles…
Alors sans hésiter, et sans l’ombre d’un doute,
J’ai quitté ma patrie, et, poursuivant ma route,
Je me suis retrouvé au détour d’un chemin
Mes seuls biens: mes haillons, mes peines, mon chagrin,
Mon unique dessein, dans cette désertion:
Défier le destin, sans haine ni passion,
A celui qui parfois, nous écoute et protège,
Malgré nos mots amers, d’insultes ou sacrilège,
Nos péchés capitaux qui offensent la bible,
Et atteignent son cœur, comme flèche la cible…
Dans la nuit étoilée, le froid comme prison,
Je réchauffe mon cœur sur un fond d’oraison,
Sentant monter en moi, une angoisse, un prodrome…
La maladie d’amour, un mystérieux syndrome…
C’est le mal de l’exil, cette fuite en avant,
Pour ne plus regarder derrière, mais devant,
Oublier ce que fût, cette âcre poudrière,
Où certaines pensées, gisent au cimetière…
Où le mal pour le bien s’exhibant en vainqueur,
Et la rose d’amour occultant son odeur,
N’offre plus aux vaincus que couronnes d’épines,
Alors que lentement, nos dirigeants déclinent…
Je ne m’en prends qu’à moi dans cette forfaiture,
De n’avoir protégé, mes idées d’une armure,
Ou d’avoir en guerrier défendu ma pensée;
Mourir s’il le fallait, sans m’être rabaissé…
Mais moi je ne suis pas un guerrier, mais poète,
Ma rime est attribut, et parfois épithète,
Et mes vers un ruisseau coulant de vérité,
Dont leur cours ne sera jamais décapité;
Finissant tôt ou tard en rivières ou en fleuves,
Où certains exilés s’y vautrent ou bien s’abreuvent,
Viennent mourir chez eux, en seigneurs de céans…
Après avoir vaincu les fonds des océans…
Mais pourrait-on plaider, pour soi, sa propre cause,
Abandonnant ainsi le parfum de la rose,
Respirant l’âcre odeur de notre lâcheté,
Pour n’avoir défendu certaine identité?
Le poète n’est pas l’avocat du diable,
Il plaide, c’est certain, mais jamais en coupable,
Plaide pour l’innocent, l’opprimé et le juste,
S’il accuse parfois, c’est pour citer l’injuste.
Je ne suis pas un saint et ne tends point la joue,
Je suis un combattant, qui rendra, coup pour coup,
Mais pas un belliqueux, ni un foudre de guerre,
Mon combat légitime: le cri de la misère…
Tous ceux qui ont besoin, de moi, de nous, des autres,
Et qui, tremblants de froid, implorent les apôtres;
Ayant perdu le nord, leur étoile polaire,
Errant aux quatre vents, l’esprit dans la prière…
Mal chaussé, mal vêtu, son bâton à la main,
Il cadence son pas sur la route sans fin,
Celle qu’il a choisie pour affronter mains nues,
Tous ceux qui n’ont pas su respecter les exclus…
Mais tout seul, il ne peut, sa mission est trop rude,
Et l’aide des nantis est une incertitude;
Je crois plutôt au serf, au gueux obéissant,
Qui ouvriront leurs cœurs, et donneront leur sang.
Pour toutes ces raisons, quelqu’un parcours le monde,
Traînant comme oripeau, son âme vagabonde,
Exhibant les lambeaux du mauvais des ignobles,
Les cousant à nouveaux pour les rendre plus nobles,
Et qu’il puisse demain, revenir sur sa terre,
Celle qu’il a connue, exempte de misère,
Quand l’arbre du malheur cessera de gemmer,
Et dire à son retour: P atrie ! Je vais T ’aimer !