Voilà que devant moi Je vis ressusciter le palais qui brûla : D’abord les fondations, puis les murs, puis les toits Tout s’assembla, superbe et puis s’illumina ! Un instant j’aperçus derrière les fenêtres Un bal plein de couleurs. De nouveau j’entendis Le son du clavecin. Mais d’un coup tous ces êtres Ces pierres et ces bruits sombrèrent dans la nuit. J’étais seul à présent dans le jardin désert Et me frottais les yeux, croyant avoir rêvé. Plus de cour, de palais, j’avais le cœur amer. Quel dieu m’avait ainsi cette nuit éprouvé ?
Je me levais enfin après avoir cherché, Le cœur encor battant, la lèvre encor tremblante, Une dernière fois les spectres du passé, Murmurant « vision, vision surprenante ! »
Les grilles du jardin étaient encor ouvertes Et je pus regagner la Concorde ; un instant, Je cru que j’allais voir sur la place déserte Un échafaud, un roi prêt à verser son sang, Un peuple retenant sa respiration Devant l’homme dressé, criant « je vous pardonne ! », Mais rien de tout cela ! « Etrange vision Murmurai-je en marchant, dans ma tête résonne La voix de l’Empereur et je crois voir encor Marie-Antoinette, la digne souveraine. Sont-ils donc revenus du royaume des morts ? Que faut-il de cela, hélas, que je comprenne ? »
Mille questions roulaient dans mon esprit brumeux. Il est vrai, j’avais bu avec quelques amis Un peu plus qu’il ne faut. Troublé et soucieux Je retournais chez moi, me couchant à minuit.
Le lendemain matin, ce fut une évidence : A peine eu-je entrouvert mes yeux, je m’exclamai « Il nous faut rebâtir ce vieux palais de France ! Ceux qui sont passés là, enfin seront en paix ! »