C'est l'heure ou le soleil est tendre pour les hommes, Sur la plage dorée où l'on rêve à loisir, Sur la plage où l'enfant construit une autre Rome En élevant des tours et riant de plaisir ! Il creuse des canaux, érige des remparts Et le voilà plus fier que l'orgueilleux César !
C'est l'heure où les amants écrivent sur le sable, En lettres géantes leurs noms entremêlés Et se disent tout bas des choses adorables. C'est l'heure où les garçons crient pour s'interpeler En jouant au ballon, alors que l'astre ardent Décline peu à peu vers le vaste océan.
C'est l'heure où l'on replie avec quelque tristesse La serviette de bain, où l'on dit « Il est tard », Où l'enfant laisse-là sa belle forteresse Et voit s'évanouir son rêve de César. C'est l'heure où le bonheur semble presque palpable. Les noms et les châteaux restent là, sur le sable.
Je me souviens d'un temps où je quittais la plage, Regrettant le château que j'y abandonnais. Je savais que voué à quelque affreux carnage, Il allait s'écrouler – Le destin l'ordonnait !
Après maintes années, certains soirs, il m'arrive De sentir cette peine, encor-là, toute vive ! Tenez ! Regardez-là ! Elle revient encore ! C'est l'heure où la marée, insolente géante, Va venir effacer le cher nom de l'amante, Le fier nom de l'amant et tous les châteaux forts.
De ceux qui sont passés sur la charmante plage, Il ne restera rien ! Ô tristesse ! Ô ravage !
Le temps est un géant pareil à la marée : Il efface ! Il efface ! Et mon âme toujours en fut toute effarée !