Se soumettre à ton joug te serait injure ; vouloir t'asservir, un blasphème ! Tu règnes par ton irrévérence souveraine et par cette autorité démiurgique que nul, jamais, ne conteste. Il te suffirait de remuer les lèvres pour provoquer une éclipse, et faire affront au soleil dont tu te dis l'envoyée. Quelque fois tu plonges au plus profond de l'océan avec l'intention de t'y dissoudre, puis de te multiplier en autant de gouttes qu'il y a d'astres dans les cieux. Tu renais aussitôt au cœur de la vigne, et chaque grappe de raisin a le goût de tes lèvres, chaque feuille celui de ta peau. Ton vin délivre alors l'âme du corps, et lui fait éprouver les terreurs et les joies de la divinité. Il devient la monture cristalline qui permet aux amants de s’élever jusqu'au ciel le plus haut et inaccessible de l'extase. Et tu redeviens astre, astre qui préside à la danse sacrée des constellations. De la voie lactée, sœur lumineuse, il n'est pas un seul soleil qui ne te fasse la cour. Et pourtant, parmi tous ses prétendants, tu as fixé ton choix sur ce soleil dont tu te dis l'envoyée, et qui préférera toujours la terre à toute autre reine céleste. Ne pleure pas ni ne provoque d'éclipses, mais souviens-toi que le ciel de l'amour n'a de limite que pour celle ou celui qui en fixe.
