Il faudrait, comme on dit, enfin tourner la page Commencer sagement à faire ses bagages Dans la paix de ces ans qui seront les derniers, A l’huis clos de ton cœur ne plus venir frapper Et confier à Dieu le soin de te sauver. Ne plus fondre en larmes à l’écho de ton nom Et ne plus chavirer de vaine compassion, De regrets impuissants ni d’espoirs épuisés Devant l’amour défunt que nous avons veillé, Cet amour avorté dont tu n’as pas voulu Et qui reste entre nous comme un enfant perdu. Il nous faudrait tous deux cesser de le bercer Quand il pourrit déjà sans plus d’utilité, Et c’est sans doute là ce que tu voudrais dire, Toi qui nous l’as tué, et c’est encore le pire, Car toi seul tu pourrais nous le ressusciter. Mais trop lourde est ta croix Et depuis trop longtemps Avec si peu de foi, Tu la traînes pourtant, Et de forces en toi Ne reste pour l’instant Que d’aller pas à pas Ainsi bon an mal an. Quand à moi, j’ai la mienne et parallèlement, Tous deux en trébuchant, nous portons nos parents. Moi je prie, toi tu bois, et je prierai encor Sans me lasser jamais, pour toi vivant ou mort ; Car je sais que ton âme tient au fil de ces mots Que la mienne dévide au seuil de nos tombeaux Et que les deux moitiés de nos êtres jumeaux De nos voix réunies feront un seul oiseau.