Sous la cendre des ans couvait ce brasier rouge Feu sourd de tourbière qui ronge, souterrain, Les arbres dont les bras dans les étoiles bougent Et qui croulent un jour dans les marais soudain…
La braise des amours qui n’ont pas pu flamber, De la vie méprisée qui n’a pas enfanté Se rongeant elle-même en son élan captif Et furent sacrifiés tout ardents et tout vifs Le corps avec le cœur sur l’autel froid des ans, L’âme mystérieuse en leurs débris poussant Une fleur inconnue et déjà presque éclose Céleste, dévorante et silencieuse rose En sa stellaire extase offrant un gouffre d’or Aux semences d’ailleurs, libérées par la mort.
O suprême Poète, en l’abîme absorbant De ton puissant amour prends-moi toute immature Je suis toujours restée cet incurable enfant Qui dès son plus jeune âge adora la nature Sa terrible splendeur et ses philtres puissants. Personne n’a voulu de cet amour sauvage Qui vivace croissait comme la fleur des champs Mais restait confiné dans cette triste cage Qu’était pour lui mon corps délaissé et pourtant J’avais des grands mystères la clé d’or et l’accès, Je savais les chemins des sources et des laves, Leur pur scintillement et leurs brûlants secrets, Dedans les gouffres noirs et les anciennes caves. Je savais en naissant l’amour et ses merveilles, Ses ténébreux dangers, ses splendides issues, Ses souffrances pour moi demeurées sans pareilles, L’extase qui toujours me restait défendue. Cavillargues 2016