Pastel
Les flûtes d’ombre chantent une somnambule romance,
Le vent furieux mord avide de la mer,
Au crépuscule déchiré, les étoiles dansent
Avec les poissons, dans un étang de verre.
Les épines des roses blessent l’aire de la masse,
La nuit bat ses ailes en vol des goélands,
Dix magnolias fleurissent près d’une bécasse,
Comme Dix Commandements, que Moïse répand.
Les nuages sont restés de pierre sur le bec
De la crête des montagnes, berceuse des angelots,
Soixante et quatre soleils jouent aux échecs
Sur la plaine dessinée au sang des coquelicots.
Le chant des grillons tisse de bleus souvenirs,
Les arbres poussent loin, sur la lune,
Les chiens aboient la brise abasourdir,
Moitié chaude, moitié brune.
Des jeunes aux corps de cannes, fatigués de baiser,
Des filles aux cheveux longs de blé mûr en bourgeon,
Avec des flammes aux yeux, se noient dans la rosée,
Et brillent comme des chevaux blancs en chassant l'horizon.
Voici des garçons qui ont des yeux très verts,
Comme les courageux taureaux des corridas,
Chacun a un tricorne aux quatre coins désert,
Dans la procession des nymphes d’Aeneas.
Une rivière de feuilles entaille l'aube brillante,
Les yeux de Neptune croisent quelques étranges matins,
La nuit agenouille sur le rivage des vagues dansantes,
La mer baisse sa tête sur l'épaule célestine.
Hypérion pleure par le saule ébouriffé,
Les anges sonnent les cloches des étoiles,
Les rêves dorment sur des lits de lys d’Orphée,
Des dinosaures descendent à plumes de voile.
La rivière chiale au pied de la montagne,
Sous la noire voûte de la nuit, brisée,
Traversée par des cerfs solitaires. Sur la fagne,
Le silence s'effondre dans mes intimes pensées.
La lune casse en larmes qui inondent les gens
Du « Pays-Jamais », qui passent accidentel,
De mes côtes, l’une est restée à Éden,
Où papillons frémissent dans mon âme pastel...