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Leonard PECOUT

Quand on s'en ira

Quand on s’en ira

Serons-nous heureux une fois là-bas
Dans ce monde joyeux promis ici-bas ?
Ou serons nous déçus comme à chaque fois,
Lorsque paraîtra la vraie nature des figures qui nous dirigent au pas.

Papa, bonjour.
Aujourd’hui, jour de fêtes, tu as 58 années passées sur Terre.
Le temps a laissé faire,
Et on est toujours là
Affairés à vivre, à jouir de la vie.

Je voudrais te proposer un voyage fait de mots
Une méditation sur le temps qui passe
Sur l’âge mais aussi sur le fait d’être père.

Je me lance.
J’écris ce soir ce texte.
Un soir de pluie nocturne.
Un soir de calme après la tempête.
Il est temps.

J’ai eu une sorte de révélation il n’y a pas si longtemps.
J’ai compris à quel point le père était fragile et fier.
Et je crois que je peux dire à présent que je comprends
Ce que ça pourrait être que d’être père.

Je t’aime. Ces trois mots sont si forts et pourtant si faibles à la fois,
Si difficiles à exprimer et pourtant si faciles à penser.
L’amour d’un fils est fort pour un père.
Je crois bien que celui d’un père pour son fils se double d’une fierté première et logique.

Alors quand on s’en ira, loin,
Par les routes des montagnes enneigées ou vertes
J’aimerais qu’on profite de l’instant, du temps pur et présent.
Qu’on apprenne à sentir ce qui ici est.
L’étant de toute chose, la vérité de l’instant.
Je crois que c’est la seule richesse digne d’être reproduite.
Une forme brève mais intense du temps : un moment en suspension, qu’on fixe soudainement là.

Papa, avec toi, quand tout se calme, en haut de la montagne, rien ne peut nous arriver.
Forme d’harmonie créée avec nature qui nous entoure, forme de douce cohésion mystique
Pleine de libertés, d’apaisement, de vie enfin.

Je ne sais pas si tu as peur de mourir.
Moi, je n’y pense pas.
Il m’arrive parfois de me dire que je pourrais quitter ce monde là, par accident.
Puis je me dis qu’au fond on vient tous un peu au monde comme cela, par accident.
C’est un précieux mélange que la vie : un hasard et la ferme volonté de deux êtres qui s’aiment.
L’enfant qui vient au monde est la symbiose quasi-parfaite de ces deux amoureux,
Une sorte d’excroissance symbolique du père et de la mère,
Une source de bonheur pour eux, une richesse à chérir et à façonner…

Alors, je crois pouvoir dire que la mort ressemble un peu à la vie, à la naissance des êtres.
Le mourant sera celui qui laissera aller son cœur vers une lente et douce fin.
Il est celui qui choisira la mort, par accident : subtil mélange de vie et de vide.
Un hasard et la ferme volonté intérieure de se dire : oui, là c’est le moment.
Le voilà venu le temps présent, celui où je décide enfin réellement de ma vie.
La mort revient à dire fin à la vie. Peut-être faudrait-il l’accepter ainsi ?

Je ne dis pas là que tu vas mourir.
De toute façon tu le sais comme je le sais, comme chacun d’entre nous sait qu’un jour il ne sera plus.
La mort fait partie de la vie, au bout du bout du bout…
Il ne faut pas la craindre ou l’attendre : simplement, vivre jusqu’à ce qu’elle arrive.
Peut-être qu’en lisant ces mots tu te diras : “C’est pas joyeux, qu’est-ce qu’il est allé chercher là, pourquoi fouiner sur la mort ?”
Et je comprends, c’est étrange.
Mais je le fais parce que je crois pouvoir dire quelque chose sur elle : la mort n’est qu’une autre vie, au bout du bout du bout…
On ne fait que passer dans la pièce d’à-côté, pour allumer un feu et attendre les autres.
Sagement.
Sans peine.
Sans remords.
En sachant bien qu’un jour viendra où l’on sera à nouveau réunis.
Et on y croit, parce que cela nous apaise et nous rassure sur ce mystère de la vie qui nous hante tous un jour.
Alors, pour désenchanter le terrible mythe de la mort, pensons la comme une succession digne de la vie.
Quand on s’en ira, pensons à cette vie qu’on a eu, aux lumières et aux charmes qui nous ont bercé, enchanté, amusé, séduit, construit, fait vivre.

La mort n’est rien pour ceux qui ne l’attendent pas. Elle n’est qu’un prolongement…
un soir de mars, à la table du salon, le cœur apaisé, les mots déliés
Bonne nuit.