Couleurs de terre
Ecoute la terre saoule qui vacille et vomit
Depuis ses entrailles un volcan de bulles de feu
D'or et de limaille, puis rampe vers son agonie,
Pompant l'oxygène, bouillant d'oxydes jaunis,
Sapant son haleine, s'axphyxiant de ronds bleus.
Tu la crois mortelle, mais en vert elle rajeunit
Sous les touffes d'herbe, les minéraux et les brûlis,
Elle s'accroche au lit des racines nourricières
Lape des trombes d'eau, futurs recels aurifères.
Argentifère, diamantaire, elle est compagnie.
Grosse d'histoire, ventre rond et coeur étincelant,
Sur elle et dans elle, l'homme lui a livré bataille.
Piétinement des guerriers, champs et prés sanglants,
Pesticides meurtriers et labours perforants.
Et pour la Saint-Jean, de rituels feux de paille.
Ce qu'elle aime le plus c'est les fouisseurs vers de terre
Roses lombrics qui la régénèrent, mélangent, aèrent.
Et les amoureux, en tapinois forestiers,
Sur lits de fougères, de foin ou dans les sentiers
Lui confient secrets et s'aiment toujours comme naguère.
Mais quand les champs sauvages sèment la pagaille,
Groggys et rougissants de tous leurs pores bouchés,
Elle roucoule un chant doux par la haine corseté,
Rameute dans son giron meurtri sa marmaille
Et noie sa flétrissure quand ils signent la paix.
Puis elle mousse, reverdit, croissance d'espoir.
Son cycle des saisons s'imbrique sans cassure,
Fleurissent les buissons et les ronces à mûres.
Si l'hiver elle se glace, tain sans humour noir,
Elle dans aux moissons, prête pour la tonsure.
Pourtant elle rêve de n'être plus jamais pillée
Dans ses carrières de fer ou de diamants extraits,
Ni remuée dans ses sortilèges enfouis,
Ou de tout recracher par les tuyaux des puits
Et renaître décrassée, éthérée, amincie.
Elle m'a dit qu'un jour, quand elle sera très ridée
Qu'elle aura perdu ses dents, racines et idées,
Elle s'enroulera d'un arc-en-ciel magique,
Propulseur céleste et atmosphérique,
Pour un bonjour aux astres intergalactiques.
