Grâce à elle
J’attends chaque matin son délicieux sourire,
Dont la fraicheur efface jusqu’au souvenir,
De la nuit sans sommeil et teintée de tristesse,
Sans autre compagnie que ma fichue vieillesse.
Elle ouvre les rideaux, laisse entrer le soleil,
Me parle, me sourit, me donne des conseils,
J’oublie dans son regard pétillant de jeunesse,
Pour quelques doux instants mon infinie faiblesse.
J’ai l’âge d’être au moins le père de son grand-père,
Mais les choses, entre nous, tournent comme à l’envers;
Toutes ses attentions ressemblent étrangement,
Aux gestes de ma mère, lorsque j’étais enfant.
Elle m’aide au lever et m’installe au fauteuil,
M’embrasse sur la joue et me lance un clin d’œil,
Me toilette, m’habille, et peigne mes cheveux,
Prépare mes tartines et me parfume un peu.
Puis elle doit partir et voler au secours,
De ses autres patients, qui auront à leur tour,
Quelques moments de soins et de chaleur humaine,
Teintant d’un peu de joie leurs grisâtres semaines.
J’ai longtemps hésité ; il ne fut pas facile,
D’accepter le besoin d’une aide à domicile,
Mais il m’a bien fallu admettre l’évidence,
Et entamer le deuil de mon indépendance.
Lorsqu’ est venu le jour du premier rendez-vous,
J’étais plutôt tendu, et méfiant je l’avoue,
Elle a pourtant bien vite gagné ma confiance,
En conciliant respect, douceur et bienveillance.
Un lien particulier s’est tissé entre nous,
Comme un attachement, inattendu et doux,
J’apprécie sa bonté, je salue son courage,
Elle aime bien je crois nos rires et bavardages.
J’ai surtout grâce à elle la chance infinie,
De vieillir dignement, de dormir dans mon lit,
D’échapper au destin de tant d’autres vieillards,
Qui tombent dans l’oubli au fond de leurs mouroirs.