A peine quelques jours avant la quarantaine, Le destin a voulu qu’enfin je me souvienne Des années de lycées depuis longtemps enfouies Sous les mille pensées d’une vie bien remplie.
C’est en parent d’élève que j’ai retrouvé, Avec son grand portail et ses allées pavées, Cet endroit familier, chargé de souvenirs, Où ma fille aujourd’hui tisse son avenir.
Je me suis avancée, la démarche hésitante, Amusée par la foule animée et bruyante De jeunes lycéens qui pendant l’interclasse Défoulaient leurs esprits, brimés pendant la classe.
En traversant la cour, devant le bâtiment, J’observais leurs manies et leurs accoutrements, Mesurant pleinement l’immense décalage Séparant aujourd’hui leur printemps de mon âge.
Mais lorsque j’ai franchi la grande porte en verre, J’ai soudain basculé dans un autre univers Et senti s’envoler le fardeau de sagesse Qui avait peu à peu étouffé ma jeunesse.
A chaque nouveau pas, un autre souvenir S’échappait de l’oubli pour mieux me revenir. Et j’ai vu devant moi défiler les images De mon adolescence au si lointain visage.
Combien de temps passé dans ce sombre couloir, A rêver l’avenir, le cœur gonflé d’espoir. Nous nous sentions capables de changer le monde, Et de le soulager de ses fardeaux immondes.
Combien d’éclats de rire et de belle insouciance Dans les grands escaliers, nous mettions de l’ambiance ! Ignorant les consignes, sagesse et silence… Avec désinvolture et un brin d’insolence.
Combien de confidences et de larmes versées, Premier chagrin d’amour ou parents divorcés ; Les raisons de pleurer fleurissaient tout autant Que celles d’être gais, en ces jours turbulents.
Nous apprenions l’histoire et les mathématiques, Mais aussi l’amitié, lien profond et magique Qui parsème la vie de flocons chaleureux, Et sait à tout moment rendre nos cœurs heureux.
Si demain, mon enfant, tu écoutais les murs, Sans doute entendrais-tu alors leur doux murmure Te conter les secrets du temps qui s’est enfui ; Te chanter qui j’étais, bien avant aujourd’hui.