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Lionel VIDELO

Fido

Dans sa niche glacée, ouverte aux quatre vents,
Couché sur son grabat, Fido pleurait souvent.
Il pleurait et ses larmes, sur la paille tombant,
Répétaient à l’envi, « tu as le cœur trop grand ».
Que pouvait-il y faire ? Depuis qu’il était né,
Il avait pour son maître, un amour insensé
Alors qu’au grand jamais, lorsqu’il lui faisait fête,
Celui-ci n’ait daigné lui caresser la tête.

Et pourtant l’homme aussi savait aimer d’amour.
Il avait pour ses fils, ses amis alentour,
Des paroles aimables, des gestes amicaux,
Mais jamais pour son chien, mais jamais pour Fido.

Et quand il revenait par les bois et les champs
De la chasse au garenne, au perdreau, au faisan
Il fallait voir Fido trotter avec fierté
Devant son maître qui, pour le récompenser
D’avoir fait son métier avec application,
Lui donnait moins souvent, caresse que bâton.

Il en alla ainsi durant toute sa vie.
Aux autres, les sentiments, à lui reproches et cris,
Et dans sa niche froide, ouverte aux quatre vents
Couché sur son grabat, Fido pleurait souvent.

Et puis un triste soir, le maître tituba
Il fallut le porter jusqu’à son matelas
Les fils ne prirent peine de quérir le docteur
Ces gens-là coûtent chers et puis si par malheur
Leur vieux père s’en allait ce serait bien dommage
Mais ils se consolaient avec leur héritage.

Après une semaine d’une longue agonie,
Abandonné de tous, le maître dans son lit
Rendit les armes à Dieu mais avant de mourir
Avant qu’il n’eut poussé un ultime soupir,
Fido pointa sa truffe dans la chambre lèpreuse
Et lui lécha la main d’une langue rapeuse.
Ce fut en caressant pour la première fois
Son brave compagnon que le maître passa.

Nombreux étaient les gens à son enterrement.
Les distractions gratuites étaient rares en ce temps.
Seul à dix pas derrière, suivait, désespéré,
Le pauvre chien hagard, malheureux et brisé.
On ne s’attarda guère, le caveau refermé.
Chacun était pressé, chez soi de retourner.
Seul Fido resta là, couché devant la tombe
Jusqu’à ce que la nuit, et la cité se fondent.
Il fut là chaque jour, de l’aube jusqu’au soir
Epuisé de chagrin, perclus de désespoir.

Pendant quelques semaines, dès les feux du matin
Il a veillé en pleur sur la pierre et enfin,
De son dernier sommeil, un dimanche de pluie,
Sur la tombe glacée, Fido s’est endormi.