Le cerf, le cygne et l'aigle étaient à bavarder Au bord d'un lac d'argent, près du bois familier, Quand le cerf, se dressant comme un coq matinal, Leur dit : "Je suis le Corps de l'espèce animale !
Je peux, lorsqu'on me chasse, épuiser une meute Et de mes bois puissants en repousser l'émeute, Je règne en souverain sur la forêt charnelle Et n'ai que l'embarras du choix de ma femelle !"
Quand l'aigle eut entendu ces mots pleins d'enthousiasme, Il bondit d'un coup d'aile et dit, plein de sarcasme :
"Quant à moi, mes amis, je ne suis que l'Esprit, Le monde vu d'en haut me paraît si petit Que je me soucie peu d'y combler mes lacunes, Quand je peux aussi bien m'enrichir sur la Lune !"
Devant tant de mépris, le cygne s'enflamma Et dit : "Je suis le Cœur et l'amour est ma loi, Le serment que jadis j'ai prêté à ma Dame Est à jamais gravé, comme un épithalame !"
A cet envol ému, le cerf ne sut que dire, Et l'aigle confondu ne put que tressaillir... Alors, sans plus un mot, les trois se séparèrent, Et le lac rayonna de sa paix coutumière !
Extrait de mon premier recueil de poèmes "Les anges", publié chez Chloé des Lys. On peut se le procurer, pour un prix modique, sur le site : http://www.editionschloedeslys.be