Vos
poèmes

Poésie Française : 1 er site français de poésie

Vos<br>poemes
Offrir
ce poème

Lucien Harmegnies

Saïgon et cætera

Quai de Belgique à Saïgon
Fourmilière d’un peuple hagard
J’avais posé mon baluchon
À l’étage d’un lupanar

Le duong exhale ses tonnelles
De nuoc mam sous une chaleur
Trop pesante et pestilentielle
Tous s’activent malgré la peur

La fièvre des quatre-chevaux
Dans l’agitation des porteurs
Et puis l’entre-choc des bateaux
Des jonques et sampans dormeurs

Évoquant le passé prospère
Des grandes banques d’Indochine
Dessous les façades austères
Quelques cyclo-pousses trottinent

Face au port à même le fleuve
Hébergés dessous les pontons
Par temps de fournaise ou qu’il pleuve
Des gens nus d’autres en haillons

Contexte révolutionnaire
Dessous leurs fortins de fortune
Dans chaque rue des militaires
Ciblent cette foule commune

En arceau sur leurs bases arrières
Rizières devenues lagons
Les blindés et les Howitzers
Crachent l’éclair comme dragons

Quand mon coursier au nom 'Dalat'
Brave le Triangle de fer
La ville assiégée de Ben Cat
Au feu des portes de l’Enfer

C’étaient des temps où tout vacille
Le Dakota ce vieux coucou
Avait été mis en charpie
Près de la base de Pleikou

Nous avions rebroussé chemin
Atterrissant mais de justesse
Dans l’attente du lendemain
Tu étais telle une princesse

L’élégance de ta tunique
Blanche comme une lycéenne
Moi j'ai eu réponse pudique
Une main tendre sur la tienne

Quand le soir tu m'as abordé
Dans la pénombre de l’hôtel
Me proposant de me border
Jusqu’au matin sacrificiel

Des tirs sur le Col des Nuages
La guérilla se manifeste
Tes frères sont là de passage
Sur Tourane versant nord-est

Un seul regard nos mains se ferment
Nos espoirs un instant liés
Car nos angoisses se comprennent
Tu vois je n’ai pas oublié

À quoi riment ces regrets vains
D’avoir brûlé ma vie sans gloire
Je n’ai pas de sang sur les mains
Mais bien des plaies à la mémoire