Dire les choses simplement
Trouver les mots quand c’est fini,
Après bien des années ensemble,
Où, tous deux, nous allions l’amble,
Engendre un émoi infini.
Comment le dire avec des gants ?
Des mots sans tranchant, sans bavure,
Lisses, dépourvus de nervure,
Pour qu’ils aient un effet d’onguent.
Ne pas dire de but en blanc
Des mots au goût amer qui fâchent,
De ceux qu’on mâche et qu’on remâche,
Pour les éructer tout tremblants.
Ne pas jouer l’adolescent,
Mettre à ses mots des parachutes,
Pour que, dans son coeur, quand ils chutent,
Ils soient encore moins blessants.
Ne pas lancer, de loin, les mots,
Les murmurer à son oreille,
Des mots doux comme un bruit d’abeille,
Des mots de soie, des mots d’émaux.
N’user que de mots délicats,
Aériens comme des plumes,
Pas des lourds comme des enclumes,
Qui solderaient le reliquat.
Dire les choses simplement,
Ne pas chercher de fioritures,
Des mots pâteux de confiture
Au goût d’inhabituellement.
Bien choisir des mots apaisants,
Des mots d’alcool, de liqueurs fines,
De narguilé ou de morphine,
À anesthésier le présent.
Le dire enfin avec les yeux,
Remplis d’océans de tendresse,
Pour éviter les maladresses
Des mots fugueurs malicieux.