Mes mots
Mes mots sont des jeunots
Qui m’torturent sans malice.
Ils ignorent, ces novices,
Qu’ils me mettent au supplice,
Pour une seule rime en O.
Ils m’disent « non » par caprice,
Puis « oui », in extremis,
Par jeu, quand je les hisse
Sur mes fronts baptismaux.
J’connais bien tous mes mots,
Mes pur sang, mes métis.
Qui, pour m’aider, se glissent
Dans les moindres interstices
Infinitésimaux.
Je veux leur rendre justice.
Ils besognent, subreptices,
Pour achever l’édifice,
Mon poëme-meccano.
Je sais que les bons mots
Ceux du bon temps jadis,
Attendent l’moment propice
Pour s’échapper d’l’hospice
Des textes ancestraux.
J’donnerais en sacrifice
Une, deux, trois, jusqu’à dix
De mes plus belles génisses
Pour ces originaux.
On raconte qu’certains mots
Vivent au fonds des Abysses
De nos pensées trop lisses,
Et n’ressortent, aux solstices,
Qu’à chaque nouveau Rimbaud.
D’autres, par maléfice,
Nous plongent en catharsis,
Dès lors que l’on esquisse
Un tirage in-folio.
Je rêve qu’un jour les mots,
Dénonçant l’box-office,
Réclament le bénéfice
De la lecture gratis
Des poëtes magistraux,
Pour ne plus être complices
Des parutions factices
D’ceux qui usent d’artifices,
Les plagiaires, les escrocs.