Mon feuilleton
Ma tendre est accroc aux feuilletons.
Elle pimente sa vie de rêves.
Une fois par jour, s’accorde une trêve.
La priver d’sa dose, elle en crève.
Qu’importe si je fais l’planton,
Le reste du temps, elle n’fait pas grève!
Y’a pas d’quoi en faire un charreton!
Moi, ils me donnent des boutons.
Mais vu qu’nous sommes assez complices,
Tant pis si j’alimente son vice,
Je lui mitonne avec malice
Une histoire d’amour « mironton ».
Même si je vais être au supplice,
Car ça me parait très coton.
Dans mes habits de marmiton,
Je me sers dans les rayonnages.
Autant faire du recyclage
De héros connus, c’est l’usage.
Je grapille un peu à tâtons
A la recherche des personnages,
Afin d’pétrir une trame béton.
J’les tiens. Dans mon fait-tout, mettons
Une Juliette au goût d’vanille,
A couteaux tirés, deux familles,
Les Capulette, les Montaiguille,
Un Roméo en avorton.
J’épice, les habille sans guenilles,
Deux doigts d’destin et nous battons.
Mais pour qu’ça fasse vraiment feuilleton,
Faudra touiller un peu le thème,
Un an pour qu’ils se disent « je t’aime »,
Plus un an jusqu’aux chrysanthèmes,
L’tout façonné comme un pâton,
Dans une ambiance star-system.
Ça devrait faire un vrai carton.
J’trouvais le scénario d’ bon ton.
Mais l’histoire d’amour, éternelle,
La mort au bout, sempiternelle,
Hélas, n’a pas plu à ma belle.
J’en aurais parié mes jetons.
Comme j’y tiens moins qu’à mes prunelles,
Je la remets dans mon veston.