La mort
Quoi que l'on pense, aimer, c'est mourir un peu
Et déjà loin d'elle, je ne suis plus qu'une ombre ;
Je suis loin de son cœur car si loin de ses yeux
Quel est donc cet orage qui au loin déjà gronde ?
Seule dans mon cœur soudain devenu sombre,
Je fus frappée dans un grondement sourd ;
Au loin, j'aperçus alors quelques ombres
Ainsi qu'un ange se glisser sur mon parcours.
C'est de cette façon qu'elle m'a abordée,
Tout en me lançant un regard d'allumeuse ;
J'étais, il est vrai, fortement affligée
Et elle aimait profondément les malheureuses.
J'errais sans but, sans allégresse
Et, tandis qu'elle fit un sourire méphistophélique,
Elle prit l'allure d'une de ces déesses
Qui vous entraînent dans leur monde idyllique.
Céleste, ornée de sa parure noire,
Elle n'avait de cesse de me contempler
Et, sans me laisser l'ombre d'un espoir,
Elle fit soudain mine de m'ignorer.
Tout cela faisait partie de son plan
Mais j'étais loin de me douter
Que cette nuit, je serais son amante
Et qu'elle serait ma dernière aimée.
D'un seul coup, tout se mit à tourner si rapidement
Que mon corps s'effondra sur le chemin
Laissant apparaître un trou béant
Réunissant à jamais nos deux destins.
Subitement, elle s'approcha,
Je sentis ainsi son souffle transi
Lorsqu'un baiser elle déposa
Sur mon visage tout engourdi.
C'est alors qu'elle s'écria :
"Auriez-vous l'heure, par hasard ?"
Moi, je ne comprenais pas
Qu'elle était déjà très en retard.
J'avais, il est vrai, le cœur tout émietté ;
Un coup de foudre, c'est si expéditif !
Mais derrière ce faciès quelque peu pincé,
Cette mise en scène semblait apocryphe.
Tandis que je l'entendais pour la dernière fois
Prononcer sans entrain ces ultimes propos,
J'appris qu'elle était venue pour moi,
Baptisée la Faucheuse et panser tous mes maux.
"L'heure est venue pour toi de rejoindre l'autre Empire
Et d'enfin pouvoir quitter cette prison dorée
De laquelle on ne s'évade qu'au dernier soupir ;
Naître, c'est mourir ; mourir, c'est ressusciter !