Brume, les Voyageurs (2-3).
Si le ciel est gardien du secret de nos vies,
Les leurs étaient scellées du plus pur des serments ;
Longtemps, face à la mer, ils demeuraient assis…
Puis ils se rapprochaient, tournés vers l’océan.
En pensant le haïr, elle se trahissait ;
Ses racines arrachées, ses souvenirs perdus…
Comment le pardonner, lui qui l’avait damnée ?
Elle n’était désormais plus qu’une ombre déchue.
Son galant ravisseur s’inclinait devant elle,
Et la fille sentait que venait naître au sein
De ses sentiments froids, de son être rebelle,
Les bourgeons inconnus d’émois au goût lointain.
D’un geste maladroit, d’une lente caresse,
Il touchait ses cheveux, s’imprégnait de sa grâce ;
Il priait le soleil – que les tempêtes cessent !
Il implorait le temps – qu’un jour elle m’enlace !
Jamais elle ne parla, jamais elle ne rit.
Embrassée par les vagues, fouettée par le vent,
Dans un accès de joie elle sourit pourtant,
Et depuis, il le sait, c’est pour cela qu’il vit.
Elle le détailla, sous un rayon de lune ;
Pour la première fois, elle sut le contempler,
Distinguant les yeux verts, la chevelure brune,
Les tourments de son front, son visage hâlé.
Bonté de son regard, jeunesse de ses traits…
Sa beauté respirait la liberté parfaite
Dont rêvent les enfants à leurs heures secrètes,
Dont la fille sans foi souhaitait s’enivrer.
Elle baissa la tête, elle avança ses doigts
Vers sa maigreur à lui, vers ses attaches frêles ;
Paupières abaissées, son torse elle frôla…
Larme cristallisée, instant intemporel.
Longs soupirs inaudibles, leurs frissons se mêlèrent –
De leur fougue naissante, ils percevaient le feu ;
Les flocons s’écrasaient, leurs souffles se figèrent…
Leurs destins se rendaient à l’horizon brumeux.
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D’amour elle mourut, sans même le comprendre ;
Messager du Néant, il l’avait emportée !
On conte qu’au-delà des lourds nuages de cendre,
Ils voyagent encore, enchaînés à jamais.