Bagnard.
Il n’y a pas de bobards :
A moins d’être veinard,
La vie, dés le départ,
C’est un méchant traquenard.
Qu’on soit en avance ou en retard,
On y entre comme dans un hall de gare,
Mais on y est reçu avec tous les égards.
Et c’est là que commence la bagarre.
Le nouveau-né, affamé, en a marre
Et devient aussitôt braillard
Parce que le biberon n’est pas au rencart.
Les années passent ; ce n’est plus un têtard.
Il a grandit ; on l’aime ; on se l’accapare.
On en profite tant que c’est un moutard.
Un jour, il est seul avec ses papelards,
Sur les bancs de l’école avec son cafard.
Souvent, étudier l’ennuie et le désempare
Et du moindre effort il est avare.
Adulte et presque ignare,
Pour ne pas finir clochard ;
Pour ne pas finir taulard,
Il embrasse un métier qui le rembarre,
Et traîne sa misère, hagard.
Il s’en va par les matins blafards,
Rejoindre à l’usine les autres connards,
Ou ceux du chantier toujours en pétard.
Il traîne son interminable cauchemar
Entre son lieu de travail, son bar
Et son logis dans un quartier poissard.
Grugé et déçu, il est souvent revanchard.
Alors, pour prendre son panard,
Il se met râleur, goinffre et soiffard.
Amateur de jeux, il s’égare
Dans sa quête d’une petite part
De ce gâteau qu’on appelle hasard,
Pour devenir à son tour, un richard.
Le voilà vieux ; il n’est plus gaillard.
Il n’est plus ni fricotard ni fétard ;
Ni noctambule ni soulard ;
Ni même sournois ni égrillard.
Il devient vachement bizarre,
Parce qu’il fait dans son falzar.
En fait, c’est la sénilité qui se déclare.
Ses enfants le confient dare-dare
A cette institution aux malabars.
Au début il croit à un canular,
Mais, en apercevant tous les vieillards,
Il devine le coup de Trafalgar.
La vétusté des lieux que le temps dépare ;
L’état piteux des autres pendards
Qui sont confinés à l’écart,
L’oblige à maudire ses bâtards.
Pas loin, un copain taquine la cithare.
On joue aux cartes ; on lit son canard,
Mais tout le monde est au placard ;
Tout le monde végète guetté par le corbillard.
Vieillir, mourir . . . Il faut larguer les amarres.
Parfois, et c’est très rare,
Il est studieux et pas flémard.
Alors, il se sort du premier brouillard,