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Mahdaoui ABDERRAOUF

La courtisane.



Ce soir encore, comme tous les autres soirs ;
Depuis quelques temps, c’est le désespoir
Dans le cœur de l’ancienne reine de la nuit.
Elle est là ; inquiète et submergée par l’ennui.

Dans cette grande et célèbre brasserie,
Tandis que tous les clients s’amusent et rient,
L’ancienne courtisane est seule, perdue
Dans des pensées alarmantes et éperdues
Dans le brouhaha des rires et des murmures.
Elle est là, seule est triste dans ces murs
Qui retentissaient jadis de ses grandiloquences
Quand elle était l’incontestée reine de ces lieux ;
Elle qui était le fantasme des machos oublieux.

On lui jette au visage sa déliquescence
Lorsqu’elle croise les regards de ces messieurs
Frappés d’amnésie quant à ses anciennes bontés
Au temps où elle s’offrait lors de nuits agrémentées.


Elle se sent exclue, pitoyable et lamentable
Car ces messieurs ne s’arrêtent même plus à sa table.
Ils passent avec sur le visage, de la commisération
Accompagnée de gène, de culpabilité et d’indulgence.
Pour eux tous, elle n’est plus que résurgence.

Entre les entrechoquements des verres alcoolisés
Et le bruit des chaises qu’on déplace en bougeant,
Sa présence jadis tant attendue, s’est banalisée
Et ceux qui l’ont aimée en deviennent désobligeants.

Le temps qui passe ne connaissant pas la mansuétude,
Elle n’est plus cette beauté adorable et inaccessible
Qui faisait battre les cœurs avides de béatitude ;
Elle n’est plus l’objet de tant d’aveux indicibles.

Sur son visage vieilli, il y a une certaine inquiétude.
Enfermée dans un déchirement indescriptible,
Elle voudrait fanfaronner ; jouer les irréductibles
Car elle ne veut accepter le vieillissement de son corps ;
Car elle ne veut pas rentrer seule cette nuit encore
Pour se retrouver seule dans ce lit qu’elle hait.

Il y a là-bas un beau jeune homme qui lui plait.

Aura-t-elle le cran de jeter son dévolu sur cet adonis ?
Finalement, elle renonce à cet invraisemblable caprice
Car tous les yeux l’espionnent ; scrutent chacun de ses gest
Tous les yeux sont prêts à se réjouir de sa déconvenue.

Non ! Ce n’est pas de la méchanceté indigeste. . .
Seulement, si tous ces jeunes gens sont venus
Passer la soirée dans leur brasserie habituelle,
C’est pour se divertir comme tous les soirs.
Certes, tous ne sont pas à bord de la même périssoire. . .
Sur le quai, il y a ceux dont le châtiment est factuel.