Moi, dit le chagrin, je suis de tous les jours. Je torture tous ceux en mal d’amour. Ce n’est pas de ma faute si je les harcèle. . . Ce n’est pas de ma faute si je dois les fustiger . . .
Moi, dit le courage, je ne me sens jamais obligé De porter secours aux cœurs que tu morcèles. C’est à moi qu’il incombe de réussir à effacer Le souvenir douloureux de ton passage. C’est à moi qu’il incombe d’annoncer Le retour des beaux jours grâce à mes présages. Saches que tu me trouveras toujours sur ta route Car je ne laisserai aucun malheureux dans la déroute.
Le chagrin, atteint de plein fouet, réagit en ces termes :
« Je me fais fort de garder prisonnières toutes mes victimes Toutes celles que l’absence a plongées au fond de l’abîme Afin que mon complice le désespoir à jamais les enferme. Je n’y peux rien si les humains sont si compliqués ; Je n’y peux rien si tu veux tellement t’impliquer Dans les moments douloureux de chaque mortel. »
Le chagrin s’accommode de cette même clientèle En jubilant, pensant que nul ne pourra résister Ni à ses nuits ni à ses assauts sans cesse répétés.
Le courage répond crânement à son ennemi : De mes missions, je ne me suis jamais démi.
Il ajoute en haussant la voix et en bombant le torse, Que les victimes de rupture, de deuil ou de divorce Seront toujours amicalement épaulées et accompagnées Pendant tout le temps nécessaire à leur guérison. Des anciens inconsolables peuvent témoigner Qu’il ne peut y avoir aucune comparaison Entre leur passé tourmenté et leur présent volubile.
Décontenancé, le chagrin reconnaît sa défaite Face à la force providentielle et tranquille. Certes, . . . Ce n’est pas ce qu’il souhaite, Mais il s’en va ne laissant rien derrière lui Car il n’est pas de taille en présence du courage. Au diable détresse, souffrances et naufrage.
Ainsi, pour l’amoureux, jadis cruellement éconduit, Finies les larmes ; il est heureux et ses brillent, Blotti dans les bras d’une adorable jeune fille. Pour l’orphelin qui a perdu son père ou sa mère, Les jours et les nuits n’auront plus leur goût amer. Finies les idées noires qui poussent au désespoir. Fini le temps des regrets et celui des pleurs en secret. La chape de plomb qui pesait, s’est levée comme par décret Faisant place à la douceur de la vie, à l’avenir et à l’espo Pour les parents qui ont souffert la perte d’un enfant, Il restera toujours un peu de ces instants étouffants. L’arrivée d’un nouveau-né atténuera la douleur Et donnera aux teints blafards un peu de couleurs, Mais personne ne peut passer outre l’absence.