Venez manger ces entrailles Que j’ai un moment senties se déchirer Avant de tomber sous la mitraille. Le peloton n’a pas hésité à tirer. Vous les asticots et vous les doryphores ; Vous les mouches et consort. . . Venez dévorer ce ventre qui a mangé Et sans cesse engrangé. Délectez-vous de ce cœur qui a tant aimé. Sa récompense a été de souvent saigner. Acharnez-vous sur ces bras vides Inanimés, décharnés et putrides. Ces bras qui ont étreint tant de créatures O combien ravissantes et inaccessibles, Car protégées contre la moindre aventure, Par des forteresses toujours infaillibles. Punissez ces mains intrépides Et perpétuellement avides Parce qu’elles auraient tant voulu caresser. Ces mains dont l’espoir tenace a cessé Le jour de mon infortuné départ. Soyez sans aucun égard Pour ces pieds, véritables bandits Qui ont osé fouler des terrains interdits. Malgré les gardiens et malgré les chiens Ils sont quand même arrivés Jusqu’aux entrées privées. Régalez-vous de ces yeux de vaurien, Qui ont en tellement vu Et qui se sont toujours souvenu Que dans n’importe quel petit village, Il y a toujours un joli visage. Croquez ces oreilles A nulle autre ouie pareille. Elles ont traîné partout où il ne fallait pas Et elles ont en entendu des confidences. Elles se sont faufilées sous tous les draps Et elles ont en remarqué des coïncidences. Elles se sont faites complices Et elles ont en recueilli des soupirs. Elles ont été témoins de supplices Elles ont en gardé des souvenirs. Déchiquetez cette bouche Que beaucoup ont essayé de faire taire En l’accusant de savoir seulement braire. Elle est coupable de tant de vérités Qu’on a fini par la détester. Allez. . . Ne craignez pas les insectivores ! Bâfrez ! faites ripaille ! Pour que je m’en aille . . . Il faut bien qu’on me dévore ! Après vous, viendront les hyènes tachetées. A coups de langues et coups de crocs Elles se régaleront de la peau et des os. Ce sera là, leur ultime lâcheté.