Je n’étais pas l’élu de son cœur. C’était l’autre ; ce séducteur. Il me la prise pour toujours. En amour, il n’y a pas de mérite. Seule la chance accrédite. Alors, faut attendre son tour.
En cette nuit éminente, Ils sont seuls dans leur cottage ; Dans la chambre bleue à l’étage. Moi, je ne suis plus dans l’attente. Je suis tapi parmi les arbres du jardin Tel un rôdeur ; tel un vilain gredin. Je regarde vers la fenêtre allumée Et j’imagine les yeux embrumés : J’imagine leurs étreintes fougueuses. J’imagine leurs baisers et leur allégresse. J’imagine leurs caresses audacieuses. J’imagine leurs ébats sans faiblesse. J’imagine leur mutuelle tendresse. Soudain, je m’aperçois de ma hardiesse. Je mets un terme à ma conduite inconvenante. Je m’en vais la tête bourdonnante. Pourquoi l’a-t-elle choisi à ma place ? A cette seule question, mon sang se glace. Certes, je ne m’étais jamais révélé Et il est trop tard pour le concevoir. Me restera le souvenir d’un espoir Souvent caressé et souvent renouvelé. N’ayant plus rien à espérer, Je vais rendre à mon cœur Tout l’amour dont j’avais entouré Cette reine de la blancheur Belle, pareille à un lis Avec des yeux tels des lapis.
Je lui avais juré un amour constant. J’avais juré de toujours l’adorer ; De lui être fidèle à chaque instant. Hélas, ma passion cesse de me dévorer Et de mon serment elle me délie. J’accepte le regrettable épilogue En pensant aux histoires analogues. Je pars pour ne commettre aucun délit. Dans ma chambre, il y a ce lit. . . Ce lit que je hais de tout mon chagrin. Désormais, à moi les cauchemars et les torticolis. A moi les lendemains aux réveils orphelins.