Rêverie
Là-haut sur la colline, lorsque tombe le soir,
Parmi les herbes folles, souvent je viens m’asseoir.
Cet endroit est paisible, discret, revigorant
Pour un être meurtri face à l’incohérent.
J’émergeai de la nuit ; dans ce profond tunnel
Ma vie avait perdu son côté rationnel.
J’avais tout oublié, jusqu’au parfum des roses,
Les nuages étaient lourds, les portes restaient closes.
Alors sur cette butte, le regard apaisé,
Je ressource mes sens et me fait griser.
Tout se prête au plaisir : en cette fin de jour,
Le ciel, la terre s’embrassent dans un élan d’amour.
Sortant d’une fissure au milieu des rochers,
Une source en cascade égrène son chapelet.
Sans la voir on devine sa lente progression,
Sautant de pierre en pierre sous la végétation.
Les ailes déployées pour un nouvel envol,
Les oiseaux en criant dansent la farandole.
Ils gravitent, ils montent jusqu’au plus haut des cieux,
Puis sur des vents porteurs, planeurs majestueux,
Ils glissent dans les airs, plongent vers la vallée,
Recommençant sans fin leur éternel ballet.
Voici l’apothéose ; au travers du feuillage
Dans un dernier effort, inondant le village
De mille feux, mille flammes, mille éclats de diamants,
Le coteau s’illumine. C’est un déferlement
De couleurs, de rayons, de dards multicolores ;
Le soleil mourant, grand seigneur nous honore.
Dans le soir qui s’avance on devine encore
La rivière qui serpente encerclant un vieux fort.
Sur son eau verte et sombre, bercée par le courant
Une barque endormie ondule dans le vent.
Le spectacle est fini, seule dans l’obscurité
Le murmure de la source vient encore m’envoûter.
De retour au logis, j’ai peine à retenir,
Des désirs de revivre, l’envie de revenir
Là-haut sur la colline lorsque tombe le soir
Et, parmi les herbes folles à nouveau m’y asseoir.