C’est comme une adagio superbe et douloureuse, Un grand vol d’hirondelles égarées dans le noir ; Une terre glacée de ne pas être heureuse, C’est un matin d’ailleurs étouffé de brouillard…
Nous sommes au fond du puits d’où jamais ne sortit La moindre vérité, la moindre co-naissance, Un puits sombre et charmant rempli de nos absences Et qu’illuminent en vain des regrets qu’on envie.
A 15 ans on s’envole pour une nuit d’été, Mais 15 années d’hiver et l’on prend froid aux yeux : Les ponts sont si fragiles et les dangers si vieux Qu’on en laisse au hasard le soin de les risquer.
De ma main sur ton corps c’est la désespérance : L’enveloppe charnelle est notre sépulture… Que n’est donc mon amour cette étoile qui dure Pour se fondre en soleil dans ton regard qui danse ?
Et les yeux des enfants, et leurs éclats de rires Ont beau nous soulager, nous réhabiliter, La réconciliation d’avec l’humanité Ne passe pas 30 ans, même pour un empire.
Bien sûr il y a les chiens et leurs truffes à la fraîche, Les nuits de feux de camps, les amitiés farouches ; Bien sûr il y a Schubert, les plaisirs de la bouche, Mais tout est du chiqué : on a vendu la mèche…
On a beau s’essayer à la métaphysique, A Voltaire, à Jésus, à la laïcité ; On a beau voir ailleurs jusque sous les tropiques, Le Singe Nu retourne à sa lucidité.
Oh, Bagheera, grand Sage de Mowgli-la-Grenouille, Tu le sentais déjà dans ta nuit satinée : C’est par ce petit-d’homme aux grands yeux qui se mouillent Qu’était irrémédiable ton animalité.
Tu rejoignais par là le sursaut salutaire, Le sursaut salutaire des fauves et des lilas, Fêlure collective et cancer de la Terre : La vie n’est plus la vie, car l’Homme est toujours là !
J’entends déjà les rires des trop optimisants, Ceux qui confondent joie avec désinvolture, Le sarcasme de ceux qui foulent la nature Comme s’ils y avaient un crédit permanent…
Comment peut-on avoir cette pleine assurance Qu’arborent en passant ceux qui ont oublié Qu’au détour d’un chemin leur acte de naissance Est le fruit du hasard sans la nécessité ?