Réveille-toi!
Réveille-toi,
Une main de lune a saisi mon esprit,
Réveille-toi,
Dehors, ce n'est plus le calme de la nuit,
Le ciel est rouge de la colère qui gronde,
S'élève, menace et monte
Dans le tonnerre de l'Enfer.
Regarde-les, affamés et sanglants,
Cohorte invraisemblable,
Dans la multitude de leurs rangs,
T'oppresser, inexorables,
Car tu as mangé
Quand leurs chairs affaiblies
Ont imploré le pain de tes prairies,
Onr supplié le vin de tes coteaux,
Quand, enrobant de graisse tes vieux os
D'opulence pourris,
Tu ne les vis pas tomber,
Blessés et meurtris!
Réveille-toi,
Une main de feu a saisi mon coeur,
Réveille-toi,
Dehors, le soleil a fui ton bonheur,
Le ciel est noir de doute et de crainte;
Entends-tu l'horrible plainte?
Ce sont tes damnés,
Ignorés.
Regarde-les, inconscients et maudits,
Te reprocher la joie
Qu'avare, seul tu as tari!
Alors, malheur à toi qui savais,
Quand leurs esprits de détresse rongés,
Vers toi, implorants se sont tournés
Pour une parcelle de cette lumière
Que tu ne pouvais taire
Mais devais rayonner,
Chaude, vive et prospère,
Au ciel de l'obscurité!
(1970)