Conseils de messire Printemps
Me voici de nouveau revenu, tout pimpant ;
Le soleil rajeuni m’environne et me dore ;
Admirez ces bourgeons tout prêts à se déclore ;
Oyez ces chants d’oiseaux dans l’air doux et vibrant !
Finis, les jours trop gris, qui pèsent sur le coeur ;
Disparus les frimas, la neige, la froidure !
Replongez-vous, joyeux, au sein de la nature ;
Laissez s’ouvrir votre âme au pur, au clair bonheur...
Mais pourquoi tant de fronts dans l’angoisse, figés ?
Quoi, devant le ciel bleu, devant les fleurs écloses,
Insensibles humains, vos esprits sont moroses ?
Sachez donc m’accueillir, jouir de mes beautés !
Qu’entends-je résonner ainsi dans le lointain ?
C’est le bruit du canon, l’âpre cri de la guerre
Et des plaintes, des pleurs s’élèvent de la terre...
Pourquoi donc, insensés, rougir ainsi vos mains ?
Levez les yeux, mortels, et suivez mes leçons ;
Souvent votre langage avec l’amour me lie
Et vous avez raison, c’est lui qui vivifie ;
Je ne veux point de haine en mes douces chansons ;
Laissez à mes parfums, vos coeurs se dilater ;
Sourire dans l’épreuve est un noble héroïsme.
Il vous faudra lutter pour bannir l’égoïsme,
Apprendre au monde fou, « qu’aimer, c’est se donner ».
Si chaque homme savait, pour d’autres, s’oublier,
Vous goûteriez la paix, baume à toute souffrance.
Ah ! comprenez-le bien, vous du moins, fils de France ;
Que la fraternité vienne vous rallier !
Alors, voyant mes fleurs, oubliant le souci,
Vous rêverez de voir le ciel sans un nuage ;
Pensant aux jours meilleurs, et reprenant courage,
Vous direz, confiants : « Nous renaîtrons aussi ! »
18 avril 1942