Fin de journée
Six heures ; encor un jour de classe terminé !
Le groupe des enfants passe la porte ouverte ;
Le travail pour demain est d’avance réglé ;
Je pars donc à mon tour, de l’école déserte.
Je crois que le printemps a voulu s’annoncer
Dans la belle journée qui maintenant s’achève.
Comme il est doux et clair, ce soir de février !
La traversée du pont sera, je crois, trop brève.
Au lieu de me presser, je marche lentement.
D’un côté le château s’estompe dans la brume,
Avec les Ardilliers, le viaduc ; vraiment,
Tout semble enveloppé d’ouate ou de fine plume.
L’occident, au contraire, apparaît lumineux ;
Le globe du soleil, qui vient de disparaître,
A laissé, en partant, quelques uns de ses feux,
Comme un dernier hommage à notre divin Maître.
Là-bas, les bords boisés rejoignant l’horizon,
Font rêver malgré soi à de lointains rivages,
A cette île perdue où vécut Robinson,
A ces pays de fées qu’on voit sur les images.
Les contours des maisons, sur le ciel radieux,
Se découpent très nets, dominés par l’église
Dont le profil paraît vraiment majestueux
Et dont j’admire aussi, la grande masse grise.
L’eau calme est à la fois rose et bleue et dorée.
Le ciel, en s’y mirant, l’a rendue lumineuse ;
Tout en y contemplant l’image renversée
Des arbres, du clocher, je me sens tout heureuse.
Ce soir, tout est si calme, oh ! je veux un instant
Oublier de la vie, la laideur, la tristesse.
Car cela vient de nous, mais Dieu, le Tout-Puissant
N’a voulu nous donner, que la paix, l’allégresse.
Il me montre aujourd’hui dans toute sa beauté,
Le cadre où je dois vivre, et ma reconnaissance
S’élève jusqu’à Lui, infinie majesté,
Qui créa tout si grand par sa seule puissance ...
Cette trêve du soir au milieu des ennuis,
Est comme l’éclaircie au milieu d’un orage.
Mon coeur n’est plus si las et maintenant, je puis,
Reprendre vaillamment ma route avec courage.
Février 1934
