L'amante
Dans le noir épais et dense de ta nuit,
Seuls demeurent les souvenirs,
Dont il faut emplir les jours de folie
Pour simplement apprendre à survivre.
La rue te submerge de son tourbillon :
Grincements de pneus, cris des enfants,
Portes qui battent, claquements de talons,
Canne bousculée sans pardon ni ménagement,
Trottoirs, poteaux, poubelles, bicyclettes,
Véhicules mal garés, volets qui dépassent,
Gens pressés, portières ouvertes,
Panneaux à hauteur de tempe, qui t’agacent.
Le tourment du quotidien te tient en éveil,
Concentration permanente de chaque geste :
Deviner pour le blouson, la couleur du ciel,
Et pendant le repas ne pas tacher sa veste.
Le front bas, tu déhambules tristement,
Te crispes en écoutant le rire des amants
Devant le bijoutier, sans une main dans la tienne
A qui offrir l’anneau liant ta vie à la sienne.
Combler sans te tromper une pesante solitude,
De cette douce et tendre que tu rêves d’aimer,
Qui viendrait t’apaiser, ôter la lassitude
De ces journées si fades et si lourdes à porter.
Dans le noir épais et dense de ta nuit,
Tu hurles de douleur d’être là, impuissant,
A subir ce destin, le boire jusqu’à la lie,
Dans cet univers vide de tes yeux absents.
Ecrasée dans tes bras, le bonheur m’étourdit
Et je laisse tes lèvres me parcourir sans fin.
Sous ton corps lourd mais ferme le désir m’envahit
Quand tes mots me caressent tout autant que tes mains.
Offerte, grisée, en folie, je me love sans pudeur
Contre tes muscles chauds. Tu hurles, gémis,
Souffle coupé sous l’extase, comblé par mes ardeurs.
Je suffoque d’amour en femme épanouie.
Et je bénis le ciel d’avoir un jour de grâce,
Emit une lueur bien faible sur tes angoisses,
Mettant sur ton chemin cette petite passante
Affamée de tendresse et pourtant si ardente.
Et si dans le noir épais et dense de ta nuit,
Je peux par quelque baume de mes talents d’amante
Eclairer un instant la brume qui te hante,
Alors reprendrais-tu confiance en la vie.