Mon rêve a de grands mâts chargés de voiles, S'élançant dans le ciel pour cueillir les étoiles, Des haubans de satin pour caresser la lune Et Neptune, royal, en vigie sur la hune.
Mon rêve se rappelle les courses enivrantes Sur l'aile docile du vent, la brise errante, Les joutes grisantes avec les grands navires, Attisant dans son corps un capiteux délire.
Mon rêve se souvient de ces appareillages Avec l'aurore naissante dans son sillage, Poursuivant le soleil dans sa course éternelle Jusqu'au bout de la nuit, douce, tendre et charnelle.
Mon rêve a le désir de ces terres lointaines, Entrevues quelque jour, demeurées incertaines, Qui hantent la mémoire et torturent le coeur, Les soirs de désespoir, comme un amour qui meurt.
Mon rêve porte en lui tant d'intimes blessures, Invisibles au creux des plis de sa voilure, Souvenirs de combats, de sanglants abordages, De tant de coups subis dans ses milles voyages.
Lorsqu'il sera trop las de tous ses tours du monde, Lorsque la mer, pour lui, ne sera plus féconde, Ballotté par les flots ainsi qu'un frêle esquif, Mon rêve s'en ira périr contre un récif.