Je suis la petite dernière De votre système solaire, Un nouvel astre, une planète Ou une lointaine comète ? Je regardais, de mon repaire, Le chaos régner sur la Terre. Les savants, je les ai nargués Pendant treize milliards d’années, Je m’étais bien cachée pourtant, Mais un télescope puissant A violé ma douce torpeur De son œil froid, inquisiteur. Mon nom de déesse inuite N’est pas circonstance fortuite Car c’est de glace que je suis, Et même le soleil qui luit Ne peut pas réchauffer mon corps Quand, rêvant de lui, je m’endors. Oh ! nous avons noué idylle, Et filé un amour tranquille Pendant dix mille années lumière, J’aurais voulu la vie entière. Nous avons même eu des enfants, Eh oui ! Ecoutez-moi, savants : C’est dans ma chair que j’ai porté Pluton, Saturne et Cassiopée. Quand je fus grosse de la Terre, Et cela demeure un mystère, Eut lieu le terrible Big Bang. Agissant comme un boomerang, Il m’envoya me perdre au fond De l’univers sombre et profond Où, sans vous, je serais restée, Pleurant, vieille et dissimulée, Des espoirs, des rêves perdus, Me penchant du plus loin des nues Sur les seuls amours de ma vie. Laissez-moi seule, je vous prie.