J'errais en cet espace, Au pays des chimères... Avec dans ma besace Ces regrets en galère : Ces histoires trimballées A mon corps défendant Que je voulais noyer Aux tréfonds du néant.
L'eau brouillée du marais Me semblait bonne adresse Pour enfin déposer Le joug de ma détresse... Dans cette immense cage En herbes détrempées, Près de ces longs feuillages Sur la fange penchés...
Un pluvier égaré Plongeait dans l'indicible Et son doux chant fluté Semblait triste et fragile ; La brume en oripeaux Accrochait son mystère Aux turbulents roseaux Où l'échassier se terre.
Tant de mélancolie En volutes lissées, Sous le ciel vert-de-gris Installait ses quartiers... Dans la barque légère Au sort abandonnée, Le pays des chimères Lentement me berçait.
J'ai mis à cet endroit Tous mes pauvres chagrins Et planté une croix Dans le fond du bassin, Si nul ne les connait Ces secrets désolants, Le marais, écorché, En frissonne souvent.
La gent des crapauds Ressasse sa rengaine Tandis que tout là-haut Trône la lune blême... Et moi, j'entends toujours Le vent qui me poursuit... Le vent qui me rattrape, m'interpelle et me dit : " On ne peut les noyer les démons du passé ! ".