Sonnet I - Il fut un temps jadis où tu m'étais soleil Le jour à ton visage empruntait sa parure Et ton sourire était suave déchirure De félicité douce comme le sommeil. Toute chose par toi arborait sa couleur Jamais rien ne brûlait d'aussi chaleur ardente Que mes élans vers toi et lancinante attente Des instants où je me noyais dans ton odeur. Le matin n'était pas plus frais que ton haleine Mon destin s'inscrivait dans le sang de tes veines Et mes pas se traçaient aux traces de tes pas Car je m'étais à ton empire abandonné Ainsi qu'on se livre à qui vous a couronné Mais toute joie se meurt je ne le savais pas.
Sonnet II - Quand on lève les yeux vers les yeux que l'on souhaite Et que l'on pense y voir l'âme de nos pensées C'est notre propre coeur que ce regard reflète Mais on ne poursuit pas l'idée sur sa lancée Car on se veut miroir de l'autre en nous qui brise Deux altérités pour les fondre en une seule. Tu es moi je suis toi de cette image éprise Et tant pis si ce n'est pas exactement celle Dont on voudrait dresser l'éclatante oriflamme Pour se persuader qu'elle claquera toujours Haut et fort en témoin de nos vaillantes flammes Alors que s'effiloche un peu plus chaque jour Sans qu'on y prenne garde et à tous petits tours Le sentiment heureux qui remplissait la trame.
Sonnet III - Déjà l'ombre s'avance en cachant la clarté Déjà les couleurs nous semblent moins contrastées Se peut-il que des liens qui paraissaient si forts Lâchement se dénouent et sait-on qui a tort. Les regards attentifs se font moins acérés Nous ne nous précipitons plus pour nous serrer Dans ces corps à coeur d'où nous émergions tremblants Nos étreintes sont molles et nos sourires blancs. Nous qui avions toujours tant de choses à nous dire Voilà que le silence s'installe et s'étire Bientôt nous ne nous souviendrons peut-être plus à quel point nous n'étions de l'autre pas repus Tu me diras bonsoir en me tournant le dos Et nous poignarderons nos rêves les yeux clos.
Sonnet IV - Comme la mer dans son reflux s'en est allée Ainsi nos coeurs lentement se sont éloignés Mais si la mer revient recouvrir le rivage Chacun de nous est parti dans son ermitage Et ne reviendra pas sur les lieux du passé. Nous avons épuisé la fortune commune Il ne sera d'aucun recours de ressasser Pour savoir lequel a dilapidé la thune. Nous nous regardons froidement sans émotion Nos destins s'accompliront chacun solitaire Et à nous voir nous n'avons sûrement pas l'air De ceux-là qui ont vécu les grandes passions. Et pourtant cela fut. Mais tout fuit. Et se taire Est tout ce qui nous reste. Avec ma compassion.