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Maryse GEVAUDAN

Mon Bateau Ivre

J'ai voulu aborder l'Ailleurs inaccessible
Vers où voguait Rimbaud dans son Ivre Bateau,
Lassé des mers connues du monde traduisible
Qui n'offrait plus un seul port neuf à mon radeau.

Et je me suis armé, les yeux gais, frêle esquif
Poussé par tous les vents des grondeuses tempêtes
Des voix houleuses hostiles à mes préparatifs.
Moi, j'écoutais l'appel de nouvelles trompettes

Guider, loin des récifs, ma barque ensoleillée
Des rêves colorés dont je l'avais remplie.
Et je guettais, avide et les sens éveillés,
La trouée attendue dans le ciel sans un pli.

Ah, la brise des soirs gonflant comme une toile
Mon coeur tendu d'espoir voguant toujours plus loin
Vers les halos bleutés des tremblantes étoiles
Où je lisais du neuf dans leurs amas disjoints !

J'ai navigué longtemps vers cet autre rivage,
Sous des lumières drues où se perçaient mes yeux
A vouloir découvrir obstinément l'image
Des mythes révélés dans un éclat des cieux.

Longuement j'ai scruté, les yeux perdus et fous,
Ces cieux ultramarins dont parlait le Poëte
Qui devaient, entrouvrant leurs nébuleuses floues,
Réfléchir du Nouveau sur l'onde violette.

Mais trop souvent j'ai dû, pour y laver mes doutes,
Tremper dans la mer nue mes rêves desséchés
Par les soleils muets où achoppait ma route.
Et aux stries des couchants mon coeur s'est ébréché.

Hélas ! Il faut rentrer et tracer à l'envers
Les chemins lumineux qui ouvraient le voyage,
Emportant le regret des cieux non découverts
Sur l'épave endeuillée du fabuleux mirage.

Il faut rentrer ! Le coeur dispersé au grand large
Où flottent les débris de ses rêves épars,
Retrouver des vieux ports la trop précise marge
Enserrant l'horizon bouché de toutes parts.

Rentrer... ! -Et je me soûlerai au jus amer
De mes songes fondus par le plomb du retour,
M'enivrant désormais de leurs seules chimères
Puisque le ciel tari n'a pas versé le jour.