J'ai voulu aborder l'Ailleurs inaccessible Vers où voguait Rimbaud dans son Ivre Bateau, Lassé des mers connues du monde traduisible Qui n'offrait plus un seul port neuf à mon radeau.
Et je me suis armé, les yeux gais, frêle esquif Poussé par tous les vents des grondeuses tempêtes Des voix houleuses hostiles à mes préparatifs. Moi, j'écoutais l'appel de nouvelles trompettes
Guider, loin des récifs, ma barque ensoleillée Des rêves colorés dont je l'avais remplie. Et je guettais, avide et les sens éveillés, La trouée attendue dans le ciel sans un pli.
Ah, la brise des soirs gonflant comme une toile Mon coeur tendu d'espoir voguant toujours plus loin Vers les halos bleutés des tremblantes étoiles Où je lisais du neuf dans leurs amas disjoints !
J'ai navigué longtemps vers cet autre rivage, Sous des lumières drues où se perçaient mes yeux A vouloir découvrir obstinément l'image Des mythes révélés dans un éclat des cieux.
Longuement j'ai scruté, les yeux perdus et fous, Ces cieux ultramarins dont parlait le Poëte Qui devaient, entrouvrant leurs nébuleuses floues, Réfléchir du Nouveau sur l'onde violette.
Mais trop souvent j'ai dû, pour y laver mes doutes, Tremper dans la mer nue mes rêves desséchés Par les soleils muets où achoppait ma route. Et aux stries des couchants mon coeur s'est ébréché.
Hélas ! Il faut rentrer et tracer à l'envers Les chemins lumineux qui ouvraient le voyage, Emportant le regret des cieux non découverts Sur l'épave endeuillée du fabuleux mirage.
Il faut rentrer ! Le coeur dispersé au grand large Où flottent les débris de ses rêves épars, Retrouver des vieux ports la trop précise marge Enserrant l'horizon bouché de toutes parts.
Rentrer... ! -Et je me soûlerai au jus amer De mes songes fondus par le plomb du retour, M'enivrant désormais de leurs seules chimères Puisque le ciel tari n'a pas versé le jour.