Voici venir le Soir qui fit couler tant d'encre Aux esprits inspirés par son coup de minuit, Et l'heure où le fantasme pousse comme un chancre Au-dessus des cerveaux qu'un jour trop jour ennuie, Pendant que le Commun, ronronnant sur son ventre, Bâille béatement à sa douillette nuit.
C'est l'Instant-Très-Classique aux fameux douze coups Rythmiquement sonnés par l'horloge à coucou, L'heure où certains tuyaux commencent leurs glouglous, Les Femmes-à-Bijoux ôtent leurs ras-du-cou Et le moment précis qui fait peur à beaucoup Car les masques levés font paraître les loups.
Les Morts un peu moins morts au trou des cimetières S'apprêtent à sortir pour visiter les rêves, Le spectre du Grand Spleen va hanter ma paupière D'une larme de fond qui enfle, roule et crève. -ô la mélancolie des amours feues, derrière Le rappel écumant qui vague sur mes grèves !...
C'est l'heure où vainement j'écope les seaux d'eau Qui ruissellent de toutes parts sur mon radeau. Cependant l'Enfant-Do sourit dans son berceau Aux anges qu'il croit voir penchés sur son dodo. ô Nuit, emporte-moi sur le flanc de ton dos Et fais-moi traverser l'intangible rideau !
Foin des mysticités émues de l'âme obscure Qui frissonne d'extase au couchant régulier Et remercie le Ciel -qui d'ailleurs n'en a cure- De pouvoir au matin reprendre ses souliers !
J'ai chassé l'importune vision des Toujours Dans les replis nocturnes où se morfond le jour, Et maudit soit son inexorable retour !
Envoi : Soir Divin, Soir Sacré, Descends sur nos petits secrets Et dure au moins jusqu'à demain, Amen !