Vous faites cambrer mon âme sous vos fébriles doigts, Et ma peau n’a de cesse d’en réclamer encore, Les caresses qui brûlent les filles de joie Ont un parfum de nacre, de débauche et de mort.
Les tavernes, royaumes des courtisanes vieilles, Nous enivrent de vin, de nectar et d’absinthe, Notre office du soir et le même que la veille, En dépit de nos vices, nous ne sommes que des saintes.
La faiblesse ridicule qui sommeille en nos veines S’évanouit sitôt que vos voix nous l’ordonnent, L’on nous prend pour des monstres, mais nous sommes des rein La noirceur est pour nous ce qu’elle n’est pour personne.
Le péché nous oblige à vivre avec luxure, Et les femmes nous jugent avec tant de passion, Que l’amour que l’on donne avec désinvolture Nous paraît délicieux quand nous le reprenons.
Mais un jour enfin, si le tombeau nous délivre, Dans quel bagne irons-nous propager le désir ? Dans quelle chute infernale faudra t-il toujours suivre La Faucheuse indolente qui nous pousse à en rire ?
Dans le gouffre inhumain de la mortalité, Les lionnes comme nous n’ont aucune importance, A quoi bon vouloir vivre si l’on ne peut aimer, A quoi sert de mourir sans aucune souffrance ?
Volupté bien amère que celle qui vous fait naître, Mon seigneur, elle vous laisse haletant et pantois, Votre cœur, plus vide que le cerveau peut-être, Fait reluire dans nos yeux la ciguë que l’on boit.