Mon maître m’appelle à la barrière. Changement alimentaire à l’horizon : Il m’apporte du son. Je dresse les oreilles, attentif, Cligne des yeux, Concède à cette scène nouvelle Comme une aura sacrée. C’est l’heure d’une mise en appétit. J’en brais de bonheur ! J’avance d’un sabot, dodeline De la tête à l’encolure, Me dandine dans un battement de queue. « Oscar, viens donc, bougre d’abruti ! » Ces paroles sont douces, Mais leur sens m’échappe. J’entends prononcer mon nom Et me dirige au petit trot Vers la silhouette familière, Suivi de près par le cheval Et les trois moutons qui, spontanément, Me rejoignent, car il n’y a que peu A aller brouter ailleurs… Nous avons fait table rase De l’herbe tendre du pré ! J’accepte de partager ce repas Avec mes compères de solitude. Hier, des personnes étrangères ont apporté Paniers emplis de pommes et pain. Ce fut un grand festin dans ma vie monotone. Je m’ennuie du printemps à l’automne, Hormis quand je m’accouple à la croupe chaleureuse D’une dame de ma race : Le plaisir m’enivre de sa coupe. Autrefois, je fus un homme qui portait De lourdes charges sur ses épaules : Toute la Tristesse d’un Monde aux envies difficiles. Mes actions non vertueuses eurent un effet jetant, Ejectant ma conscience en ce corps animal. J’aurais pu être porc, finir à l’abattoir, Mais j’ai eu plus de chance ! Je suis âne–alpha–bête.