La stèle indiquait l’emplacement De leur défunte existence Dans l’enceinte du cimetière cérébral. Une allée plantée de part et d’autre D’arbres aux lettres jaunies, D’instants succès damnés, de diaphragmes, D’objectifs révélés sur papier mat, brillant, Où à jamais fixés les portraits familiers Et les paysages visités s’exposaient En une lumière surannée… Une allée, donc, menait à la chapelle ardente, Ce mortuaire monument dédié aux sublimes jours anciens. L’épitaphe était court : «ci gisent les souvenirs d’enfance, Les moments heureux où vous fûtes bercés Par des bras bienveillants en la béatitude Des joies ponctuelles fort périssables. L’amour et l’amitié sont des prêteurs sur gage ; Lassés de vos trop pressantes sollicitations, Ils plièrent bagages. » Des cris d’outre tombe, désespérés, S’échappent du linceul où nostalgie et mélancolie Ne surmontent leur perte. Les cendres dispersées par l’urne de la mémoire S’accrochent aux ossements dérisoires. Les pleureuses du soir étreignent dans les larmes, D’ultimes conversations que tinrent Les êtres chers désormais disparus... Les chroniques d’existence relatent des faits divers, Des feux d’extases au firmament dont les odeurs, Les goûts sont peu ou Proust ceux d’une madeleine. Les évènements douloureux furent, quant à eux, Le legs pour les abysses d’un oubli bègue, Car seules les annales du passé prestigieux motivent Nos épanchements d’un genre tout lacrymal. Dressons un mémorial aux souvenirs obsolètes ; Ne nous attardons pas à chérir leurs squelettes !