De joueur à joueur, Je te suis : La vie nous brûle, Nous sommes fétus Et, portés par le vent, croyons savoir Agrippés au gouvernail, repérer notre étoile, Perdue dans la nuit.
De joueur à joueur, Je double la mise : Jamais plus que sur la corde raide Je ne me suis senti plus vivant Et, cassant mes certitudes, j'ai saisi Une liberté qui me grise comme une folle Chevauchée sur un étalon fougueux.
De joueur à joueur, Je coinche: Chaque rayon de vie me semble plus intense Et je jouis Du sentiment de toute-puissance Que confère à un homme l'expérience D'être allé au-delà de ses peurs.
De joueur à joueur Je passe: S'abandonner au plaisir des sens Et se dire que tout est permis, C'est aussi se perdre un peu, Laisser morale et naïveté derrière soi Ainsi que l'avatar d'une vie.
De joueur à joueur Je te rends ton bluff : Ce faisant, c'est aussi trahir Tous ceux qui prenaient appui Sur ce madrier, Menteur et creux, Qu'on jugeait si sûr et si droit.
De joueur à joueur, Je t'abandonne le tapis : La roue tourne et je m'épuise; Je n'ai plus de mise, je réintroduis Le réel, le rassurant présent. Avec délice l'esprit libre se brûle les doigts Jusqu'à ne plus sentir les bouts et perd tout atout
De joueur à joueur, La main passe, rien ne va plus : à la force du vent, on ne roule qu'un instant, Et pour ne pas rester au bord de la route Nous autres humains nous nourrissons D'hydrocarbure, De corps et d'eau, de corps et d'eau...